Agé de 29 ans, le brigadier Ounoussou Guissé est arrivé en France depuis son Sénégal natal à l'âge de 17 ans, munis de papiers français qui lui avait délivrés par le Consulat de France, lorsqu'il avait 10 ans. Son père, Daouda, aujourd'hui décedé, avait en effet la nationalité française – et c'est ce dernier point qui est aujourd'hui contesté par la Justice.
« C'est un problème lié à la décolonisation », explique l'avocate du brigadier, Me Cecile Madeline, interrogée par Libération et Secret-Défense. En 1960, lors de l'indépendance du Sénégal, les personnes d'origine sénégalaise qui résidaient en France pouvaient choisir de garder la nationalité française. C'est ce que fît son père, qui obtint ses papiers en 1962. Rentré au Sénégal, après avoir travaillé une quinzaine d'années dans la région du Havre, Daouda eut des enfants, dont deux se sont engagés dans l'armée de terre. Ceux-ci étaient donc français de par le « droit du sang », qui veut que l'enfant d'un citoyen français soit français, même s'il est né à l'étranger. C'est par exemple le cas de Ségolène Royal (née à Dakar), de Valéry Giscard d'Estaing ou d'Eric Besson. Lorsque Guissé s'est engagé en 2002, il était donc, comme son père avant lui, citoyen français.
Depuis cette date, « l'interprétation de la loi a changé » explique Me Madeline. « Selon la Cour de cassation, il ne suffit plus que la personne ait été domiciliée en France au moment de l'indépendance de son pays, mais il faut que sa famille l'ait été également. » « En quelque sorte, la France dit à ses ressortissants qu'elle s'est trompé en 1960 et qu'on va maintenant retirer la nationalité à leurs enfants... », poursuit-elle.
Le plus scandaleux de cette affaire est que la Justice a une première fois donné raison à Ounoussou Guissé, en 2008, mais que le Parquet a fait appel de cette décision. Il y a là comme un acharnement. Or, le Parquet applique la politique pénale du gouvernement. Il s'agit donc d'une décision qui est, au final, politique.
Si l'on peut éventuellement comprendre que la hiérarchie militaire reste prudente dans cette affaire, avec le souci de ne pas intervenir dans une procédure judiciaire, il reste que le chef des Armées - c'est-à-dire le chef du brigadier Guissé - est également président de la République.